Cerner les droits à CDI des agents territoriaux en 5 points-clés

Rédigé le 26/06/2025
SOURCE LA GAZETTE DES COMMUNES


fonction publique

Cerner les droits à CDI des agents territoriaux en 5 points-clés

Publié le 25/06/2025 • Par Auteur associé • dans : Actu juridiqueFiches de droit pratiqueFranceToute l'actu RH

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La conclusion d’un contrat à durée indéterminée n’est possible que dans les cas limitativement prévus par la loi. Afin d'éviter une censure du juge, zoom sur l'ensemble des règles applicables en 5 points-clés.

 

 

Connaître les hypothèses de conclusion d’un CDI

Aujourd’hui encore, le postulat demeure : les emplois permanents des collectivités et de leurs établissements publics ont vocation à être pourvus par des fonctionnaires (code général de la fonction publique, CGFP, art. L.311-1), le recours aux agents contractuels étant dérogatoire et leurs contrats conclus, par principe, pour une durée déterminée (1). Ce n’est donc que par exceptions limitativement prévues qu’un agent peut être recruté par un contrat à durée indéterminée (CDI). Les réformes se succédant, les cas de recours au CDI ont progressivement été étendus.

Outre les transformations résultant de dispositifs ponctuels de lutte contre la précarité, tel celui issu de la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012, ou les cas de portabilité d’un CDI ou de reprise dans le cadre d’un transfert d’activité, qui ne seront pas abordés ici, le CGFP prévoit deux possibilités de « ­CDIsation ».

La première, posée par l’article L.332-9 du CGFP, concerne les agents recrutés sur un emploi permanent en application de l’article L.332-8 pour une durée maximale de trois ans, renouvelable dans la limite de six ans. Si, au-delà de ces six années, la ­collectivité entend reconduire l’engagement, toujours sur le fondement de l’article L.332-8 du CGFP, elle ne pourra le faire que pour une durée indéterminée, au terme d’une décision expresse.

La seconde hypothèse, plus délicate à cerner, est prévue par l’article L.332-10 du même code. Celui-ci institue un dispositif hérité de la loi « Sauvadet » du 12 mars 2012, élargissant l’obligation de « CDIsation » à « tout contrat établi ou renouvelé pour pourvoir un emploi permanent en application de l’article L.332-8 avec un agent contractuel territorial qui justifie d’une durée de services publics de six ans au moins sur des fonctions relevant de la même catégorie hiérarchique », réalisés selon des modalités définies en suivant.

En dehors de ces hypothèses, et à l’inverse de ce qu’il en est en droit du travail, la simple circonstance que l’engagement d’un agent soit renouvelé à plusieurs reprises, même pendant plus de six années et même irrégulièrement, n’est pas de nature, en soi, à en entraîner la requalification en CDI (2). Dans ces conditions, dès lors qu’il est envisagé de renouveler ou de recruter un agent sur un emploi permanent sur le fondement de l’article L.332-8 du CGFP, il appartient aux employeurs publics de s’interroger sur ces conditions.

Recenser les contrats pris en compte au titre de l’ancienneté

La conclusion d’un CDI sur le fondement de l’article L.332-9 du CGFP suscite peu de difficultés : l’administration devra l’envisager dès lors que l’agent dont le renouvellement est considéré atteindra la limite de six ans d’engagement sur un emploi permanent en application de l’article L.332-8 du CGFP. En revanche, s’agissant de l’article L.332-10 du CGFP, celui-ci prévoit d’abord que « pour justifier de la durée de six ans prévue à l’alinéa précédent, l’agent contractuel concerné doit avoir accompli des services auprès de la même collectivité ou du même établissement dans des emplois occupés en application de la présente sous-section ou de l’article L.332-23 ».

En d’autres termes, les contrats pris en compte au titre de l’ancienneté s’entendent plus largement puisqu’ils couvrent les services publics effectués auprès de la même collectivité ou du même établissement, entendu comme ceux auprès desquels il est engagé au moment où se pose la question de la transformation de son CDD en CDI, pour pourvoir des emplois permanents dans les hypothèses énumérées par l’article L.332-8 du CGFP, remplacer un fonctionnaire absent (CGFP, art. L.332-13), faire face à une vacance temporaire d’emploi dans l’attente du recrutement d’un fonctionnaire (CGFP, art. L.332-14), ou pour pallier des besoins temporaires au titre d’un accroissement temporaire ou saisonnier d’activité (CGFP, art. L.332-23). En somme, la plupart des hypothèses de recrutement rencontrées en pratique.

Par ailleurs, il est également prévu que les services accomplis dans le cadre d’une mise à disposition par le centre de gestion auprès de la collectivité ou de l’établissement employeur, avant qu’ils ne le recrutent, sont également pris en compte (CGFP, art. L.452-44).

En revanche, le temps passé par un agent en contrat de projet (CGFP, art. L.332-24) n’est pas décompté, pas plus que celui accompli dans le cadre d’un contrat de droit privé (contrats d’apprentissage…).

Apprécier la durée et la nature des six années de services publics

Aux termes de l’article L.332-10 du CGFP, les six années de services publics, tous contrats confondus, doivent avoir été accomplies sur des fonctions relevant de la même catégorie hiérarchique, A, B ou C.

Sur ce point, la Haute juridiction a précisé que « lorsque les contrats successifs de l’agent mentionnent, s’agissant de l’emploi qu’il occupe, des appellations et références catégorielles différentes, il peut néanmoins bénéficier d’un contrat à durée indéterminée s’il est établi qu’il a en réalité exercé, en dépit des indications figurant sur les contrats, des fonctions identiques pendant la durée de services requise » (3). En d’autres termes, en cas de contentieux, le juge procède à l’analyse in concreto des fonctions réellement exercées par l’agent au cours de ses différents engagements (niveau de responsabilité, nature des missions, positionnement hiérarchique…). N’hésitant pas, s’il l’estime nécessaire, à requalifier les catégories hiérarchiques retenues. Il appartient donc à l’administration de ne pas s’arrêter aux appellations et libellés des fonctions mentionnées dans le contrat ou la fiche de poste.

Précisons également que ces services peuvent avoir été accomplis à temps non complet et/ou à temps partiel, ou de manière discontinue, sous réserve toutefois que l’interruption entre deux contrats n’ait pas été supérieure à quatre mois. Etant noté que les périodes d’état d’urgence sanitaire, c’est-à-dire celles ayant couru du 23 mars 2020 au 10 juillet 2020 et du 17 octobre 2020 au 1er juillet 2021, ne peuvent être prises en compte dans la durée d’interruption.

Déterminer le moment de la conclusion du CDI

Lorsqu’à l’échéance de son contrat, l’agent justifie de ses six années de services publics et, d’importance, qu’il est reconduit sur le fondement de l’article L.332-8 du CGFP, le renouvellement de son engagement ne pourra se faire qu’à durée indéterminée, en application des articles L.332-10 et L.332-9 du CGFP.

Qu’en est-il lorsque l’agent remplit la condition de six années de services publics alors que son contrat est toujours en cours d’exécution ? La haute juridiction a rappelé que « dans l’hypothèse où ces conditions d’ancienneté sont remplies par un agent territorial avant l’échéance du contrat, celui-ci ne se trouve pas tacitement transformé en contrat à durée indéterminée ». Dans un tel cas, les parties ont la faculté de conclure d’un commun accord un nouveau contrat, à durée indéterminée, sans attendre cette échéance. Elles n’ont en revanche pas l’obligation de procéder à une telle transformation de la nature du contrat, ni de procéder à son renouvellement à son échéance » (4).

Et le Conseil d’Etat a encore énoncé que l’agent qui « estime remplir, avant l’échéance de son contrat en cours, les conditions de transformation de ce dernier en contrat à durée indéterminée peut, à défaut de proposition d’avenant en ce sens adressée par l’autorité d’emploi, demander à cette dernière le bénéfice de cette transformation, et ce jusqu’à, au plus tard, deux mois après l’expiration de ce contrat » (5). Ce, quand bien même ce dernier contrat n’a pas été renouvelé et qu’il ne fait alors plus partie des effectifs de la collectivité. Passé ce délai, il pourra toujours tenter d’obtenir la réparation des préjudices ayant découlé pour lui de la non-conclusion d’un tel CDI.

Identifier le risque contentieux

Il est acquis que les agents n’ont pas un droit au renouvellement de leur engagement ni au maintien des clauses de leur contrat, sous réserve toutefois, pour l’administration, d’être en mesure de justifier valablement d’une telle décision. Et en cas de contentieux, fréquent en la matière, le juge s’assurera alors qu’elle n’a pas, ce faisant, cherché à contourner son obligation de proposer un CDI à l’agent en lui refusant le renouvellement de son engagement ou en lui proposant un nouveau contrat ne permettant pas la transformation de son CDD en CDI.

Un examen de la jurisprudence atteste ainsi que les juridictions ne s’estiment pas liées par les fondements de recrutement retenus par l’employeur public, ni plus par son appréciation portée sur les six ans d’ancienneté de l’agent, et se livrent, selon la méthode du faisceau d’indices, à une analyse exhaustive de ses conditions d’emploi pour vérifier si, en dépit des apparences, l’agent ne répondait pas aux conditions lui permettant de bénéficier d’un CDI, dont il aurait été irrégulièrement privé.

Et lorsque tel est le cas, les juges peuvent requalifier l’engagement en cours et/ou indemniser l’agent à raison des préjudices subis. Voire, bien que la jurisprudence ne soit pas unanime sur ce point, potentiellement enjoindre à l’administration de proposer à l’agent, dont l’engagement n’a pas été renouvelé, un CDI en vue d’une éventuelle réintégration (6).

 
 
 

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