FONCTION PUBLIQUE TERRITORIALE Le droit d’alerte et de retrait des agents territoriaux en 10 questions / La Gazette des Communes

Rédigé le 29/05/2025
SOURCE LA GAZETTE DES COMMUNES


FONCTION PUBLIQUE TERRITORIALE
Le droit d’alerte et de retrait des agents territoriaux en 10 questions

Titulaires ou contractuels, tous les agents publics doivent exercer leurs fonctions en sécurité. C'est ce que garantit le droit d'alerte et de retrait, face à danger grave et imminent.

Alerte - Sécurité

Sommaire

  1. En quoi le droit d’alerte et et de retrait consiste-t-il ? [1]
  2. Qu’est-ce qu’un « danger grave et imminent » ? [2]
  3. Quelles sont les limites du droit de retrait ? [3]
  4. Quelles sont les missions incompatibles avec l’exercice d’un droit de retrait ? [4]
  5. Quelle est la procédure à suivre ? [5]
  6. Comment déclencher l’alerte ? [6]
  7. Qu’en est-il en cas de désaccord sur la mise en œuvre du droit de retrait ? [7]
  8. Quels éléments de réponse doit apporter l’autorité territoriale ? [8]
  9. Qu’est-ce que le registre spécial ? [9]
  10. Que se passe-t-il à l’issue de la procédure ? [10]

 

01 – En quoi le droit d’alerte et de retrait consiste-t-il ?

Dès lors qu’un agent a un motif raisonnable de penser que sa situation de travail présente un danger grave et imminent pour sa vie ou pour sa santé, ou qu’il constate une défectuosité dans les systèmes de protection, il doit en aviser immédiatement son supérieur hiérarchique. On parle alors de « droit d’alerte ».

Il peut également « se retirer d’une telle situation » en invoquant le « droit de retrait », car l’agent n’encourt alors aucune sanction ni retenue sur sa rémunération. Ainsi, peu importe que le danger perçu par l’agent se révèle, au final, inexistant ou minime. Il suffit que la crainte de l’intéressé ait été légitime, c’est-à-dire qu’il ait pu raisonnablement penser que sa situation de travail présentait un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé (décret n°85-603 du 10 juin 1985, art. 5-1).

En outre, l’autorité territoriale ne peut pas demander à l’agent de reprendre son activité dans une situation de travail présentant un danger grave et imminent. Elle doit prendre les mesures nécessaires pour que les agents concernés puissent cesser leur activité et se mettre en sécurité en quittant immédiatement leur lieu de travail.

02 – Qu’est-ce qu’un « danger grave et imminent » ?

Un danger grave et imminent s’entend comme une menace directe pour la vie ou la santé du fonctionnaire ou de l’agent, c’est-à-dire une situation de fait pouvant provoquer un dommage à l’intégrité physique ou à la santé de la personne.

Le danger en cause doit donc être grave, c’est-à-dire susceptible d’entraîner des conséquences définitives ou, en tout cas, longues à effacer et importantes, au-delà d’un simple inconfort. La température des locaux de service jugée trop basse par un agent ne peut fonder l’exercice de son droit de retrait (1) [11], de même que la présence de déjections de chauve-souris dans une école (2) [12].

Le caractère imminent du danger suppose qu’il soit susceptible de se réaliser brutalement dans un délai rapproché (circulaire du 12 octobre 2012). Cette menace concerne plus spécialement les risques d’accident, puisque ce dernier est dû à une action soudaine entraînant une lésion du corps humain. Ainsi, le danger peut résulter d’une machine, d’un processus de fabrication, d’une situation ou d’une ambiance de travail.

Par exemple, un agent chargé de nettoyer les portes extérieures d’une maison de retraite où des inconnus s’étaient introduits à plusieurs reprises n’a pas pu invoquer son droit de retrait (3) [13].

En revanche, un agent a pu invoquer son droit de retrait pour refuser de monter dans le godet d’un tracteur levé à quatre mètres du sol pour monter sur une échelle et installer des illuminations  (4) [14].

03 – Quelles sont les limites du droit de retrait ?

Le droit de retrait doit s’exercer de telle manière qu’il « ne puisse créer pour autrui une nouvelle situation de danger grave et imminent » (décret du 10 juin 1985, art. 5-1).

Par « autrui », on entend toute personne susceptible, du fait du retrait de l’agent, d’être placée elle-même dans une situation de danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé. Il peut donc s’agir de collègues de l’agent, mais aussi, le cas échéant, de tiers tels que les usagers du service public (circulaire 12 octobre 2012 [15]).

De plus, certaines missions de sécurité des biens et des personnes sont incompatibles avec l’exercice du droit de retrait dans la mesure où sa mise en œuvre compromettrait l’exécution même des missions propres de ce service (lire la question n°4).

04 – Quelles sont les missions incompatibles avec l’exercice d’un droit de retrait ?

Les missions incompatibles avec l’exercice d’un droit de retrait sont déterminées par un arrêté interministériel du 15 mars 2001.

Il s’agit, pour les agents du cadre d’emplois des sapeurs-pompiers, des missions opérationnelles définies par l’article 1424-2 du code général des collectivités territoriales.

Cela concerne, pour les agents des cadres d’emplois de police municipale et pour les agents du cadre d’emplois des gardes champêtres, et en fonction des moyens dont ils disposent, les missions destinées à assurer le bon ordre, la sécurité, la santé et la salubrité publique, lorsqu’elles visent à préserver les personnes d’un danger grave et imminent pour la vie ou pour la santé.

Si ces agents ne peuvent se prévaloir du droit de retrait, ils exercent leurs missions dans le cadre des dispositions des règlements et des instructions qui ont pour objet d’assurer leur protection et leur sécurité.

05 – Quelle est la procédure à suivre ?

Précisée désormais par les dispositions réglementaires du code général de la fonction publique (CGFP, art. R253-58 et s.) [16], la procédure permettant la mise en œuvre du droit de retrait se décompose en deux étapes, une phase d’alerte sur l’existence d’un danger grave et imminent pour la santé ou la sécurité des agents lors de l’exercice de leurs fonctions (lire la question n°6 [6]) et une phase d’enquête sur la réalité du danger et les mesures à prendre le cas échéant.

Dès lors que l’autorité territoriale est informée de la situation, elle doit en effet procéder immédiatement à une enquête, en compagnie du représentant de la ­formation spécialisée du comité social qui a signalé le danger. L’autorité territoriale prend ensuite les mesures nécessaires pour remédier à la situation. Elle informe, enfin, la formation spécialisée du comité social des décisions prises.

06 – Comment déclencher l’alerte ?

L’agent qui a un motif raisonnable de penser que sa situation de travail présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé, s’il constate une défectuosité dans les systèmes de protection, doit en aviser son supérieur hiérarchique. Il doit l’alerter, soit avant de se retirer de son poste de travail, soit en même temps.

Par ailleurs, l’alerte peut être déclenchée par tout représentant du personnel membre de la formation spécialisée du comité social constatant, directement ou indirectement, l’existence d’une cause de danger grave et imminent pour la santé ou la sécurité des agents lors de l’exercice de leurs fonctions. L’autorité territoriale doit en être avisée immédiatement. Ce signalement est formalisé par écrit dans un registre spécial (lire la question n°9 [18]).

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07 – Qu’en est-il en cas de désaccord sur la mise en œuvre du droit de retrait ?

En cas de divergence sur la réalité du danger ou la manière de le faire cesser, la formation spécialisée du comité social est réuni en urgence dans un délai de ­vingt-quatre heures au maximum. Si le désaccord persiste, après l’intervention du ou des agents chargés d’une fonction ­d’inspection (ACFI) dans le domaine de la santé et la sécurité, l’inspection du travail est obligatoirement saisie (CGFP, art. R253-62 [20]).

Le cas échéant, ces interventions donnent lieu à un rapport adressé conjointement à l’autorité territoriale, à la formation spécialisée du comité social, à l’ACFI et à la médecine professionnelle et préventive dans la fonction publique territoriale. Ce rapport indique, s’il y a lieu, les manquements en matière d’hygiène et de sécurité, et les mesures proposées pour remédier à la situation. Dans les quinze jours suivants, l’autorité territoriale doit apporter une réponse motivée à l’auteur du rapport (lire la question n° 8) [8].

08 – Quels éléments de réponse doit apporter l’autorité territoriale ?

Elle doit indiquer les mesures prises immédiatement après l’enquête réalisée en cas de signalement de danger, celles retenues après l’avis émis par la formation spécialisée du comité social réuni en urgence, celles prises au vu du rapport, enfin, celles qu’elle va exécuter, ainsi que le calendrier de leur mise en œuvre. Une copie de la réponse de l’autorité territoriale est adressée à la formation spécialisée du comité social et à l’ACFI (CGFP, art. R253-63) [22].

09 – Qu’est-ce que le registre spécial ?

Le registre spécial (voir modèle en annexe de la circulaire du 12 octobre 2012) est coté et ouvert au timbre de la formation spéciale du comité social de la collectivité (CGFP, art. R253-58 [23]et s.). Sous la responsabilité de l’autorité territoriale, ce registre est tenu à la disposition des membres de la formation spécialisée du comité social compétente et de tout agent qui est intervenu dans la procédure de mise en œuvre du droit de retrait, de l’inspection du ­travail et des ACFI.

Enfin, tout avis figurant sur le registre doit être daté et signé. Il doit également comporter l’indication des postes de travail concernés, de la nature du danger et de sa cause, et du nom de la ou des personnes exposées. Lorsqu’un représentant du personnel membre de la formation spécialisée du comité social constate directement ou indirectement un danger grave et imminent, son avis sur la situation de ­danger est consigné dans ce registre spécial. Les mesures prises par l’autorité territoriale y sont également inscrites.

10 – Que se passe-t-il à l’issue de la procédure ?

Lorsque la situation de danger grave et imminent a été confirmée, le retrait de l’agent est justifié. Il ne peut être ni sanctionné, ni contraint à reprendre son travail tant que le danger persiste. L’autorité territoriale peut néanmoins lui confier un autre travail correspondant à sa qualification professionnelle.

S’agissant des agents contractuels, ils bénéficient de droit du régime de réparation applicable en cas de faute inexcusable de l’employeur définie à l’article L452-1 du code de la sécurité sociale [24]: il en va ainsi dans la mesure où ils relèvent du régime général de la Sécurité sociale et auraient été victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, alors qu’un risque qui s’est effectivement réalisé avait été signalé au chef de service (décret du 10 juin 1985, art. 5-4).

En revanche, lorsque le retrait de l’agent a été considéré comme injustifié, l’agent peut faire l’objet d’une retenue sur salaire (en cas d’absence de service fait) et de poursuite disciplinaire.

Si la situation de danger grave et imminent ne persiste plus, l’autorité territoriale pourra, si nécessaire, mettre en demeure l’agent de reprendre le travail.

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REFERENCES